Mon très cher inconnu... {PV Edward}

Samedi avant-midi. 11 heures. Une jeune sorcière est assise à une table isolée de la bibliothèque, passant ses doigts entre des mèches de ses cheveux fraîchement teints en brun. Les doigts semblent vouloir se rendre jusqu’à l’arrière de la tête, mais les nœuds logés dans la tignasse foncée de la demoiselle empêchaient les doigts fins et pâles de terminer leur trajectoire. Frustrée, Laetitia laisse carrément tomber l’idée de vouloir démêler un peu sa chevelure brune, puis repose sa main sur la table, faisant trembler sa bouteille d’encre en même temps. Heureusement, celle-ci ne se renversa pas, et permit à Laetitia de continuer son travail.

Depuis maintenant trois heures, la demoiselle travaillait sur un devoir d’histoire de la magie relativement complexe. Peut-être facile pour les débiles qui pouvaient aimer cette matière, mais très pénible pour une fille qui détestait ce cours presque autant qu’elle détestait sa mère. De plus, ces deux choses détestées par Valérianne Laetitia étaient liées entre elles. Ça, personne à Poudlard le savait, ou presque, et c’était mieux ainsi. Détestant être prise en pitié, Laetitia n’allait quand même pas commencer à raconter à tout le monde qu’un jour, elle avait obtenu un « P » en histoire de la magie, et sa mère lui avait infligé une blessure magique pour la punir de cela. Non seulement, il n’était pas question qu’elle avoue, elle qui n’avait jamais eu un résultat sous la note de « A » après cet incident, qu’elle avait eu un Piètre, et de plus, montrer qu’elle avait encore une cicatrice de sa blessure magique serait un autre de façon de montrer qu’elle était faible et stupide, comme sa mère lui disait souvent.

* Lae’, concentre-toi, espèce d’idiote ! Tu veux encore que maman te frappe ou non ?! *

Même si elle avait tenté de prendre son indépendance, Laetitia ne pouvait s’empêcher de laisser des pensées du genre traverser son esprit. Était-elle folle ? Non. Seulement, la torture infligée par la marâtre qui avait le culot de dire qu’elle l’avait élevée l’avait tellement affectée que même si elle ne vivait plus avec sa mère, et n’avait aucune relation avec elle, elle ne cessait de repenser au fait qu’elle n’était pas jolie, nulle en cours, bref, elle était aussi pratique qu’un troll dans une boutique de porcelaine : encombrante, boulet. Pourquoi était-elle là après tout ?

Pour revenir au devoir, Laetitia se cassait la tête avec cela depuis un très long moment. La raison était que durant le dernier cours, la jeune Serpentard n’avait pas écouté une seconde : Elle avait été trop occupée à faire semblant de prendre frénétiquement des notes alors qu’en fait, elle n’avait fait que barbouiller son bout de parchemin d’insultes, sans savoir si elles étaient dédiées à elle-même ou bien à sa mère, bien que la seconde option fusse plus plausible. Elle la détestait vraiment, détester ainsi était quelque chose qui devait être interdit. Souvent, dans ses plus beaux rêves, Laetitia torturait sa mère comme elle l’avait fait toutes ces années, et même parfois, elle la tuait. Cependant, lorsqu’elle revenait à la réalité, son esprit, qui avait acquis cette notion, lui disait qu’elle ne pourrait pas le faire, qu’elle était trop mauvaise pour cela, comme elle se sentait trop nulle pour faire son devoir d’histoire de la magie à ce moment précis.

- Saleté de devoir !

Le cri de rage de Laetitia résonna dans toute la bibliothèque et fit sursauter certaines personnes, dont Madame Pince, qui s’empressa de faire signe à Lae’ de se taire. Elle était dans un lieu de travail et de silence, il fallait respecter cela. Et le respect de la liberté d’expression, qu’est-ce qu’elle en faisait, cette chipie ? Incapable de faire son devoir, Lae’ en voulait maintenant au monde entier : À tous les élèves qui la dévisageaient, à Madame Pince qui ne cessait de jeter des coups d’œil dans sa direction pour s’assurer qu’elle ne refasse pas une nouvelle crise, à sa mère, et aussi à la bouteille d’encre qui venait de se renverser sur la table, et sur le devoir de la demoiselle, qui se couvrit de noir. En ayant marre, Laetitia se leva, attrapa ses affaires, laissant son gâchis sur la table, et partit de la bibliothèque d’un pas décidé et avec un air frustré.

Où ses pas allaient-elle la guider ? C’était facile : À la volière de l’école. Laetitia devait trouver le moyen de se changer les idées, et même si elle ne faisait qu’écrire des bribes sur une feuille qu’elle n’allait jamais envoyer, cela l’aiderait à se calmer. Une fois arrivée dans la tour où tous les hiboux somnolaient, ou bien mangeaient ce qu’ils avaient attrapés au cours de leur chasse nocturne, Laetitia se laissa tomber assise sur le sol, le dos appuyé contre la brique froide, essayant de lutter contre ses larmes. Pour y parvenir, elle sortit une nouvelle feuille de parchemin, prit sa plume et commença à écrire :

Cher inconnu,

Il y a longtemps de cela que je n’ai pas eu de tes nouvelles. L’été est toujours bien long sans recevoir une lettre de ta part. Te parler me manque beaucoup.

Tu dois fort probablement te demander ce que je suis devenue : une pauvre fille qui essaie de gagner une guerre déjà perdue d’avance. Cet été, j’ai réussi à avoir avec peine une bataille; crois-le ou non, je suis partie de chez ma mère, je vis maintenant toute seule, loin de tous mes problèmes, du moins, c’est ce que je croyais. Pourquoi faut-il qu’à chaque fois, je doive repenser à tout ce que j’ai subi ? Même si ce n’est qu’en faisant un lien stupide avec un simple détail, comme un devoir d’histoire incompréhensible pour quelqu’un qui n’arrive plus à supporter cette matière ? Vivement la fin des cours…

Enfin, assez parlé de moi. Qu’est-ce que toi, tu es devenu ? S’il te plaît, donne-moi des nouvelles, l’été a déjà été beaucoup trop long.

J’espère que tu vas toujours bien, et que j’aurai encore l’occasion de t’écrire au cours de l’année scolaire.

V.

Sans même la relire, Laetitia plaça cette lettre dans une enveloppe qu’elle cacheta, et prit un hibou de l’école pour que celui-ci envoie la lettre à la personne à qui elle était destinée. Qui était cette personne ? Laetitia elle-même l’ignorait. Ce qu’elle savait, c’était que cette personne, à qui elle écrivait depuis maintenant un bon moment, lui permettait de s’ouvrir, de confier ses secrets sans aucune gêne, comme elle venait de le faire. Tout ce qu’elle pouvait espérer, c’était que son correspondant n’allait pas soupirer devant une nouvelle lettre de désespoir de la part de Laetitia, puisque ce n’était pas la première du genre qu’elle envoyait. Maintenant soulagée, en partie, la jeune Verte et Argent resta encore assise sur le sol de la volière un moment, pour chasser ses mauvaises pensées, ce qui était presque impossible.